LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN. - Vous avez été l’un des premiers coureurs cyclistes diabétiques de la Team Type 1. Qu’est-ce qui vous a donné envie d’y entrer ?
KYLE ROSE. - Je faisais déjà du vélo aux États-Unis quand j’ai entendu parler de Team Type 1, qui était à l’époque une toute petite équipe d’amateurs dirigée par Phil Southerland. L’équipe ne comptait que 8 ou 10 personnes toutes atteintes de diabète de type 1 et insulinodépendantes, et qui adoraient le vélo. On avait simplement envie de rouler ensemble et de pouvoir partager les difficultés liées à notre maladie. On a donc décidé de baptiser l’équipe Team Type 1 et de faire de la levée de fonds pour des associations qui travaillaient dans la recherche contre le diabète, comme la « Juvenile Diabetes Research Foundation ».
La cause que nous défendions nous a permis de nous faire connaître. Nous nous sommes agrandi et avons reçu des invitations pour des courses de plus en plus importantes. Ça nous a permis de rencontrer de nombreuses autres personnes qui faisaient du sport tout en étant atteintes du diabète. Ces échanges étaient vraiment motivants.
Quelle est la plus grande difficulté à surmonter lorsqu’on est diabétique et que l’on souhaite concourir à un sport de compétition comme le cyclisme ?
Il n’y a pas vraiment de difficulté à proprement parler. Il faut juste très, très bien se préparer. Beaucoup plus que si l’on n’avait pas le diabète… L’enjeu principal est de parfaitement connaître son corps et ses réactions quand il fournit un effort intense. On fait du vélo de 25 à 30 heures par semaine, pour s’entraîner bien sûr et avoir une bonne condition physique, mais surtout pour apprendre à gérer notre alimentation, notre insuline et nos chiffres de glycémie. Nous prenons très souvent des mesures qui nous apprennent à gérer notre corps et nos efforts en fonction des résultats.
Comme le dit Phil Southerland, le fondateur de Team Type 1, il faut être « le P-DG de son corps ». On doit apprendre à tout gérer pour pouvoir faire du sport en ayant le diabète. Tout est une question d’habitude.
En pratique, comment s’organise la gestion des injections et de l’alimentation ?
Ça dépend des coureurs. Moi, j’ai une pompe à insuline, qui me permet de gérer ma glycémie sans m’arrêter pendant une course. La pompe est attachée à mon corps. Il me suffit de presser un bouton pour faire des ajustements sans descendre de vélo.
Pour la glycémie, presque tous les coureurs de Team Type 1 utilisent des lecteurs de glycémie en continu, avec des capteurs qui sont sous la peau. C’est presque devenu l’outil le plus important pour nous sur un vélo. Les lecteurs nous donnent non seulement les chiffres exacts de glycémie, mais également les tendan?ces grâce à un système d’alarme. Ça nous permet d’anticiper nos besoins.Si l’on s’entraîne bien, on apprend à bien connaître son corps et à gérer les situations liées au diabète. On ne peut pas tout prévenir, mais on peut essayer.
Vous est-il arrivé, à vous-même ou à un coureur diabétique de votre connaissance, de frôler l’accident pour hypoglycémie ?
Heureusement non, ça ne m’est jamais arrivé ! Mais j’ai connu certains coureurs qui ont rencontré des problèmes. Ce qui est intéressant avec Team Type 1, c’est qu’on est une équipe. En cas de problème, on peut compter sur les autres. Ils sont capables de réagir très, très rapidement. Je parle non seulement des soigneurs et des médecins de l’équipe, mais aussi des autres coureurs, qu’ils soient diabétiques ou non.
Tous les membres de la Team Type 1 connaissent le diabète. C’est même un point fort de l’équipe. Par exemple, Lazlo Bodrogi n’est pas diabétique, mais il appartient à l’équipe et s’intéresse au sujet. Il est toujours là pour soutenir les autres et les accompagner.
J’aimerais dire d’ailleurs à quel point c’est important, dans la vie quotidienne, qu’on fasse du sport ou non, d’avoir un entourage qui est sensibilisé à la maladie, la famille, les amis, les médecins… Ça aide beaucoup. Dans l’équipe, on a inventé le diabète de type 3. Ça n’existe pas médicalement parlant, mais pour nous le T3 désigne les gens qui sont autour de nous. Ils vivent aussi avec le diabète à travers nous.
Quel est votre meilleur souvenir de course ?
Individuellement, je pense que c’est la « Sea Otter Classic », une course qui a eu lieu à côté de Monterey en Californie. Ce fut la première course où j’ai réussi à monter sur le podium après que le diagnostic de ma maladie a été posé. Cette victoire m’a donné la confiance nécessaire pour continuer à faire du vélo. En équipe, j’ai deux souvenirs très forts. Le premier, bien sûr, c’est la « Race Across America » de 2007. Non seulement nous avons gagné cette course mythique, mais nous avons battu le record ! Et ce record, on le détient encore aujourd’hui… Le fait qu’il appartienne à des diabétiques, ça prouve au monde entier qu’on peut le faire et que rien n’est impossible quand on a le diabète. Mon second souvenir est plus récent : c’est le Tour de Turquie 2011, qu’on a remporté le mois dernier grâce à Alexander Efimkin. Notre première grande victoire sur une compétition professionnelle… Nous en sommes très fiers !
Quel message aimeriez-vous passer aux patients diabétiques qui hésitent encore à s’investir, même en tant qu’amateur, dans un sport très “physique” comme le vélo ?
Mon premier conseil est qu’il ne faut pas avoir peur d’essayer. Le diabète, c’est un peu les montagnes russes : parfois, on fait exactement la même chose sur le vélo et pourtant le taux de glycémie change. Ce n’est pas grave, on peut quand même y aller. Il faut continuer, se préparer, avoir les bons outils, avoir un entourage qui nous soutient et surtout bien se connaître. C’est comme ça qu’on peut contrôler sa maladie et mener sa vie comme on l’entend, et surtout éviter que ce ne soit la maladie qui contrôle votre quotidien.
Mon deuxième conseil est de réaliser que tout ne peut pas être parfait. Parfois, je participe à une compétition et mon taux de glycémie n’est pas parfait. Pourtant je sais que je peux continuer car je connais exactement mes capacités et mes limites. Être diabétique ne doit pas vous empêcher de faire ce que vous voulez de votre vie.
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