LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Votre dernière étude économique sur les officines montre que près de 80 % des pharmaciens ont un endettement bancaire à long ou moyen terme. Est-ce à dire que les pharmaciens vivent en permanence à crédit ?
PHILIPPE BECKER.- Les chiffres de notre étude illustrent en effet la grande dépendance des pharmaciens au crédit bancaire. En pratique, aujourd’hui, le crédit bancaire est incontournable : la voie de la création étant fermée pour devenir pharmacien titulaire, il faut acheter l’officine et donc emprunter. Il n’y a pas d’autre solution. Et malgré une baisse sensible de la valeur des officines, il faut savoir que l’investissement global se situe, en moyenne, entre 1,2 et 1,3 million d’euros. Résultat : il faut emprunter beaucoup et, compte tenu de la baisse des rentabilités, il faut rembourser le crédit sur une longue période.
Mais ce système ne conduit-il pas à une impasse, compte tenu des incertitudes économiques actuelles ?
ALAIN FILS.- À dire vrai, les difficultés existent déjà, car la sortie par la revente de l’officine, qui résolvait auparavant le problème de l’endettement, n’est plus possible du fait de la baisse des valeurs des fonds et du manque d’acheteurs. De nos jours, les pharmaciens doivent comprendre qu’ils devront rembourser leur emprunt avec les résultats dégagés par leur activité.
Toutefois, vivre à crédit n’est pas un problème en soi tant que l’on peut rembourser et à condition que cela ne s’étale pas sur une durée indéfinie. Mais de nombreux officinaux sont inquiets car ils sont pieds et poings liés avec leur banque, alors que leur marge de manœuvre sur le plan professionnel devient faible, pour ne pas dire insignifiante.
Cela signifie qu’il faut surveiller les ratios d’exploitation. Quels sont les principaux d’entre eux ?
ALAIN FILS.- Oui, tout à fait. Il faut notamment respecter un ratio de fonds propres par rapport à l’endettement bancaire, de 25 à 30 %. Il faut aussi faire en sorte que la part du remboursement de l’emprunt - capital et intérêts - ne dépasse pas 70 % de l’excédent brut d’exploitation (EBE). Ce n’est pas une question de confort, mais plutôt de survie… car il n’y a plus d’amortisseurs aujourd’hui !
D’autre part, il y a une relation binomiale entre la capacité d’endettement et la rentabilité, et c’est la raison pour laquelle le ratio EBE/chiffre d’affaires hors taxes est devenu l’instrument de mesure clé de l’officine. Rappelons également que, dans la quasi-totalité des situations d’endettement à long terme, le montant de chaque échéance est identique sur toute la durée de l’emprunt, alors que, dans le même temps, la part des intérêts diminue progressivement tandis que celle du capital remboursé augmente à due concurrence. Cela a pour conséquence une augmentation mécanique de la fiscalité, qu’il faut aussi prévoir.
Et si on allonge la durée de remboursement des emprunts, n’y a-t-il pas là une voie possible ?
PHILIPPE BECKER.- Cette voie a déjà été explorée et, à notre sens, c’est une fausse bonne idée. Une entreprise a une valeur qui est liée à une capacité à être rentable, et cette capacité à être rentable doit permettre de rémunérer son propriétaire et également de rembourser les prêteurs.
Le remboursement de l’emprunt se fait en général sur sept ans dans toutes les activités autres que la pharmacie. Du fait d’une forte croissance et d’une situation monopolistique, la pharmacie d’officine a quant à elle a attiré des prêteurs qui ont accepté une durée de remboursement sur douze ans, voire davantage. Or allonger encore cette durée, c’est créer de l’illusion et considérer que l’officine n’est pas rentable en tant que telle, mais qu’elle vaut éventuellement quelque chose à long terme, comme valeur de placement, et non pas comme un actif professionnel…
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