LES DEUX SÈVRES, c’est un bocage, des prairies verdoyantes, des champs d’élevage et de multiculture. Bref, un paradis pour la plus noble conquête de l’homme, pour peu que celle-ci trouve sur son chemin un fan de son espèce, par ailleurs pharmacien d’officine, et éleveur de vocation. Bertrand Borra, 55 ans, cultive depuis une vingtaine d’années le trotteur comme on fait pousser des plantes rares, après avoir acquis sa toute première poulinière à peine sortie de la panse de sa mère. C’était en 1995, la nouvelle née se trouvant baptisée judicieusement Heborra des Blaves, avant de donner naissance à son tour à un rejeton, en 2002, année de l’entrée du pharmacien dans son officine d’Argenton les Vallées (1 600 habitants intra-muros).
À l’époque, Bertrand devient propriétaire de cinq ha à deux pas de sa pharmacie, afin de faire gambader ses montures. Il investit dans l’aménagement de bâtiments, l’achat d’un tracteur, bref se donne les moyens d’assouvir sa passion. Ce qui ne l’enrichit pas pour autant…
« Pour être millionnaire en élevant des chevaux de course, il faut être milliardaire d’abord, révèle t-il. Si j’arrivais déjà à équilibrer mes comptes, ce qui est loin d’être évident, je serais satisfait mais, en l’occurrence, le bénéfice n’existe pas. Mon objectif, c’est avant tout de réaliser des croisements, grâce à mes poulinières, de les faire grandir dix-huit mois durant avant de les envoyer au débourrage, et de les mettre entre les mains de spécialistes capables de les transformer en champions. En tenant compte que, en matière de trotteur, seulement 35 à 40 % des effectifs arrivent à être qualifiés. Ce qui fait que les non reçus terminent au mieux en tondeuses à gazon, au pire dans l’agroalimentaire. »
Un travail de pro.
Avec aujourd’hui un cheptel de cinq pouliches et un coursier actif, Bertrand Borra ne manque pas d’occupation, gérant au quotidien dès potron-minet la nourriture et le bien-être de son petit monde, avant de se rendre dans son officine. Il ne monte, hélas, pas sur un sulky pour driver ses pensionnaires, s’étant rendu compte lors d’un stage dédié que c’était là une affaire de « pros » avec des décisions rapides à prendre et un savoir-faire permanent indispensable. En clair, le driver se doit d’être autant entraîné que son cheval, ce qui, en regard des occupations officinales de Bertrand, est loin d’être assuré.
« C’est un vrai métier, souligne ce dernier, dans lequel on doit réagir à la seconde, quand il faut, comme il faut. Moi, mon job, c’est la santé des gens, la diffusion des médicaments, le conseil, et les soucis de tout bon pharmacien. Mais pour mon temps libre j’évolue dans l’univers particulier des courses, aux côtés de gens comme moi qui agissent par goût du cheval et de l’esthétisme. Il faut se déplacer, se rendre sur les hippodromes, surveiller la santé, le régime de ses chevaux, être à leurs côtés. Je me suis tourné vers les trotteurs car je trouvais – je trouve toujours – leur allure sans égale, le spectacle qu’ils donnent de leurs foulées admirables. En 1983, j’avais des lévriers afghans, et je faisais le parallèle entre leurs mouvements et ceux du trot, je crois que ceci a décidé de cela. »
Depuis, le bilan s’affiche entre quelques victoires, de nombreux instants de joie partagée, beaucoup de sacrifices, pas mal de dépenses, et de multiples échanges entre les trotteurs et leur patron. Un patron qui cumule les activités, vice président de la chambre syndicale des Deux Sèvres, et échelon majeur de la filière santé locale, conscient des difficultés de son temps : « Le cheval, certes, c’est un loisir, prenant, coûteux, mais ô combien enrichissant sur le plan humain, relationnel, en communion avec les animaux qui nous comprennent, qui nous parlent dans leur langage. La pharmacie, c’est une autre passion, un échange permanent avec les autres, ceux qui souffrent, leurs angoisses, leurs peurs. Sans qu’il n’y ait de rapport entre ces deux secteurs, on peut quand même faire un rapprochement : on parle aux oreilles des uns comme des autres avec la certitude d’être entendu. »
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