LE CAUCHEMAR de Pierre-Olivier Variot a débuté en mars 1999. Pour ce jeune diplômé de la faculté de Dijon, la carrière d’officinal commence alors sous les meilleurs auspices, avec la création de son affaire dans le petit bourg de Longecourt-en-Plaine (Côte-d’Or). « C’était hélas sans compter sur la ténacité d’un confrère qui avait effectué des démarches auparavant », résume l’intéressé. L’histoire est complexe et traduit les difficultés d’une administration à interpréter des textes parfois contradictoires. « Un assistant de la pharmacie d’un village voisin, ambitionnait également de s’installer et avait déposé son dossier dix-huit jours avant le mien. La préfecture m’avait informé de ce précédent et j’avais donc fait le deuil de mon projet. Jusqu’à ce que je me rende compte que, en lieu et place de cette fameuse officine, s’élevait un bâtiment ordinaire. Après vérification, le projet de l'assistant semblait abandonné et laissait donc la voie libre à ma propre demande. » L’autorisation sollicitée auprès de la préfecture par Pierre-Olivier Variot lui est alors effectivement accordée.
Mais ce confrère devient rapidement un adversaire pugnace dont le dossier ne cesse de s’alourdir au fil des requêtes qu’il va introduire (une vingtaine en l’espace de dix ans) pour faire valoir son droit d’antériorité. « Même s’il ne présente pas de projet concret, se plaçant uniquement sur le terrain administratif, son action a conduit au retrait de ma licence. » Selon les audiences, celle-ci va devenir un véritable yo-yo, tour à tour rendue puis retirée. Validée, confirmée, annulée, revalidée, reconfirmée, le feuilleton conduit à l’écriture d’un dossier de plus de 20 kg pour les parties en présence.
Avec, au final, une confirmation, en avril 2008, de l’antériorité de son concurrent, conduisant à la fermeture en novembre dernier de l’officine de Pierre-Olivier Variot. « Très bien, constate ce dernier, mais pendant toute cette période de constants revirements, mon officine a tourné. » Depuis, Pierre-Olivier Variot, qui a dû licencier ses salariés, a racheté une autre pharmacie à Plombières-les-Dijon. « Mon ancien commerce est en passe de devenir une friche officinale. D’autant plus que mon adversaire vient d’obtenir une autre autorisation de création dans le bourg de Thorey, à quelques kilomètres… Bref, tout cela s’est déroulé pour rien. »
Perte sèche.
Du côté de la fédération syndicale des pharmaciens, le président Alexandre Berenguer, lui-même installé à Pouilly-en-Auxois, ne mâche pas ses mots : « C’est un véritable gâchis. Si la préfecture avait, dès le départ, suivi l’avis de notre syndicat, rien de tout cela ne serait arrivé. Mais le dossier s’est emballé, et on a tout mélangé, avec des lois définissant les centres d’approvisionnement de 2007 appliquées à celles de 2003, donc antérieures aux faits, avec des cafouillages administratifs, des incompréhensions, etc. Mais, surtout, une lenteur dans la décision finale qui a coûté une décennie de travail à un homme de bien. »
Ce dernier fait ses comptes et déplore l’histoire, estimant avoir travaillé pour rien ou presque, vivant avec ses employés de son activité sans faire de bénéfices. Aujourd’hui couvert de dettes – celles de son ancienne officine, auxquels s’ajoutent les investissements de son nouvel établissement – il préfère oublier ce passé, et repartir d’un bon pied.
« Il n’empêche que, sans cette incohérente aventure, ma pharmacie, ouverte en 1999, serait actuellement presque payée, et je serais tranquille. Je redémarre quasiment à zéro et je ne peux m’empêcher de m’interroger : pourquoi a-t-on mis autant de temps à me donner tort, et à nous laisser nous épuiser, tant financièrement que dans nos convictions. Sans oublier cette triste conclusion : Longecourt et sa population n’ont plus d’officine aujourd’hui. Heureusement, j’ai eu une petite chance : j’ai trouvé rapidement ma nouvelle pharmacie, après le décès brutal d’un confrère, et j’ai pu prendre sa suite sans problème. C’est déjà un résultat. »
Définitivement jugé, le dossier n’en est pourtant pas tout à fait refermé. Le plaignant s’est en effet porté une nouvelle fois devant le tribunal administratif. Fort de la reconnaissance de ses droits, il réclame à l’État dix millions d'euros de dommages et intérêts pour préjudice subi.
Insolite
Épiler ou pas ?
La Pharmacie du Marché
Un comportement suspect
La Pharmacie du Marché
Le temps de la solidarité
Insolite
Rouge à lèvres d'occasion